Les méthodes pour interpréter des modèles de machine learning complexes

Les méthodes pour interpréter des modèles de machine learning complexes

L’introduction de modèles de machine learning complexes

Actuellement, dans l’univers de la data science et plus précisément du machine learning, quand une entreprise souhaite employer des algorithmes supervisés, c’est-à-dire pour prédire l’appétence ou l’attrition de ses clients, la souscription ou le remboursement d’un produit bancaire, etc., les algorithmes classiques tels que les arbres de décision ou la régression logistique ne suffisent plus à atteindre les niveaux de précision exigés. Des nouvelles méthodes comme XGBoost [1] atteignent des niveaux de performance bien plus élevés que ces méthodes ; sur une comparaison avec 165 jeux de données [2], la régression logistique est plus performante dans seulement 5% et les arbres dans 2% des cas.

Comparaison d’algorithmes sur 165 jeux de données. Source [2]

Ces nouvelles méthodes sont plus efficaces pour plusieurs raisons :

  • Elles prennent en compte plus efficacement les relations non linéaires ou non monotones entre une variable explicative et la cible à prédire,
  • Elles savent bien gérer les phénomènes d’interactions entre variables,
  • Elles améliorent le biais ou la variance de modèles simples en intégrant une dizaine voire une centaine de ces modèles par boosting ou par bagging.

Un besoin en interprétabilité croissant

Le trade-off avec ces nouveaux modèles est qu’en gagnant en performance, nous perdons en interprétabilité.

L’interprétabilité d’un modèle, que nous pouvons définir comme la capacité à comprendre les raisons d’une décision d’un modèle, est nécessaire pour plusieurs raisons :

  • Le data scientist, auteur du modèle, doit comprendre les relations que le modèle a trouvées : pour communiquer les résultats, pour vérifier l’intuition des experts métiers (voire la sienne !), pour débugger son modèle,
  • De plus, les équipes métiers qui vont utiliser le résultat du modèle doivent avoir confiance en sa performance et comprendre ce qui fait son utilité ; un modèle qui n’est pas compris ni éprouvé sera malheureusement rarement utilisé…
  • Plus important encore, dans certains domaines d’application telle que la banque, le besoin d’interprétabilité est nécessaire pour le valider en interne, mais aussi pour se conformer aux exigences réglementaires (ACPR, AMF, BCE),
  • Enfin, même si les conséquences de la réglementation RGPD sur l’utilisation de ces modèles en entreprise ne sont pas définies, il ne peut être que conseillé d’être prudent sur ces exigences de transparence.

Les méthodes d’interprétabilité

Les différentes méthodes d’interprétabilité peuvent être définies selon 3 axes :

  • Les approches globales VS locales : ler 1e type donne une interprétation pour tous les individus en même temps, alors que le 2nd pour un ou quelques individus.
  • Les approches a priori VS a posteriori : la 1e concerne une méthode qui doit être employée avant la création du modèle, alors que la 2nde doit être employée après. Une méthode a posteriori est préférable puisqu’il n’est pas toujours possible d’accéder à toutes les étapes de création du modèle (cas d’une validation externe par exemple).
  • Les approches model-agnostic VS liées au modèle : la 1e correspond aux méthodes qui ne dépendent pas du type de modèle choisi, alors que la 2nde est dépendante du modèle utilisé. La 1e est préférable parce qu’elle s’appliquera dans tous les domaines, pour toutes les problématiques.

Voici un tableau récapitulant les méthodes les plus importantes, classées selon les 3 axes :

Descriptif de nombreuses méthodes selon 3 axes

Présentons maintenant 3 méthodes que nous pensons à Avisia comme étant les plus prometteuses.

Les graphiques ICE et PDP

Ces deux graphiques permettent d’inspecter la relation entre une variable explicative (voire deux) et le phénomène à expliquer pour lequel nous calculons des prédictions. Le procédé pour ICE (Individual Conditional Expectations [3]) est le suivant :

  • Pour un individu donné, faire varier la valeur de la variable explicative à inspecter (afin qu’elle prenne toutes les valeurs possibles),
  • Récupérer pour toutes ces nouvelles valeurs la prédiction associée,
  • Répéter ce processus pour tous les individus et tracer les courbes.

Le graphique PDP (Partial Dependance Plot [4]) n’est que la moyenne des courbes individuelles pour toutes les valeurs de la variable.

Voici un exemple avec les données et le modèle XGBoost dont la description des variables et les codes de création sont en annexe :

Code et graphique ICE/PDP pour la variable nr.employed

Le fait d’analyser le lien entre variable explicative et cible avant la création du modèle est moins robuste que les méthodes PDP & ICE, car nous ne prendrions pas en compte les effets d’interaction entre toutes les variables explicatives. Pour la variable nr.employed utilisée, nous voyons que les valeurs plus faibles ont un impact similaire, alors que des valeurs supérieures à 5100 ont un impact négatif. La relation semble similaire pour tous les individus. Note : la ligne jaune et noire correspond au PDP.

Les valeurs de Shapley

Les valeurs de Shapley empruntent à la théorie des jeux et représentent, pour un individu, la contribution de la valeur d’une variable à la prédiction de cet individu. La contribution de toutes les variables représente la différence entre la prédiction individuelle et la prédiction moyenne (tous les individus).

Code et graphique Shapley pour un individu

Le graphique nous montre que pour cet individu, la prédiction est bien inférieure à la prédiction moyenne. Cela est surtout dû aux variables emp.var.rate et duration, qui tirent la prédiction vers 0. L’influence de la variable nr.employed est cohérente avec le graphique PDP ci-dessus.
Note : la probabilité prédite de 0,2% s’obtient en utilisant la fonction sigmoïde au point -6,23.

La méthode permet aussi, entre autres, d’avoir l’importance des variables dans le modèle, de manière fiable :

Code et graphique d’importance des variables par les valeurs de Shapley

LIME

La méthode LIME [5] consiste à expliquer la prédiction d’un individu par un modèle simple (régression L1 pondérée), et ce uniquement pour les individus dans son voisinage (qui lui sont semblables). En effet, si un modèle peut être globalement complexe, il sera localement plus simple.

Code et graphique LIME pour un individu

Différents graphiques sont possibles en fonction des affinités ! Dans tous les cas, pour cet individu (le même que pour Shapley), nous voyons que, malgré sa probabilité proche de 0, la variable duration a eu le plus d’importance et a eu tendance à augmenter la probabilité finale. Cette analyse est en contradiction avec la méthode Shapley ; c’est dû à trois raisons, qui peuvent faire la faiblesse de LIME :

  • La méthode LIME ne montre uniquement que ce qui a joué localement dans la prédiction, ce qui peut être différent de globalement (ce qui est le cas de Shapley),
  • LIME est dépendant du choix du voisinage et peut être instable,
  • Si localement le modèle reste complexe, alors le modèle local simple ne sera pas une bonne approximation du modèle global.

Avantages et inconvénients des méthodes

  • PCP & ICE : interprétation intuitive et causale du modèle (« si ma variable change pour cette valeur, l’impact sera celui-ci », ce qui n’est pas possible avec Shapley),
  • PDP & ICE : la méthode est simple et facile à utiliser, et se généralise à 2 variables explicatives,
  • PDP & ICE : le graphique ICE (mais pas PDP) peut mettre à jour des effets hétérogènes pour des individus semblables.
  • Shapley : il est possible de savoir ce qui a exactement causé une prédiction d’un individu,
  • Shapley : la théorie qui supporte cette méthode est solide, et elle possède des propriétés de justesse des résultats, contrairement aux autres (LIME, importance des variables),
  • Shapley : la méthode permet aussi d’avoir des graphiques d’importance des variables (avec le sens de la relation) ainsi que des graphiques type PDP (influence d’une variable sur la cible).
  • LIME : l’explication donnée est sparse, c’est-à-dire qu’elle utilise peu de variables,
  • LIME : la méthode est utilisable pour des données textuelles ou sur des images !

  • PCP & ICE : comme pour Shapley, des corrélations entre variables peuvent engendrer la création de points incohérents (exemple : si on dispose des variables explicatives taille et poids, on risque de créer des points avec taille = 2m et poids = 40kg),
  • PCP & ICE : il serait utile de rajouter la distribution de la variable, parce qu’une zone du graphique peut concerner très peu d’individus.
  • Shapley : le calcul des contributions, s’il est exhaustif, peut être très long à calculer : c’est pour ça que les implémentations R/Python utilisent des approximations.
  • LIME : comme vu avant, le choix du voisinage et le paramétrage de LIME peut donner des résultats instables et pas suffisamment fidèles.

Conclusion

Les exigences réglementaires et d’utilisation en contexte d’entreprise demandent de plus en plus d’avoir des modèles à la fois simples et performants. Le fait de pouvoir interpréter facilement et efficacement des modèles complexes en facilite l’emploi et doit être un outil dans la panoplie du data scientist moderne. Grâce aux méthodes présentées dans cet article, l’interprétabilité et la performance deviennent accessibles. La méthode la plus utile est la valeur Shapley, qui permet de déterminer à la fois ce qui joue pour la prédiction d’un individu (sens et importance), de tous les individus (importance des variables), et plus spécifiquement pour une variable ou l’interaction de deux variables. La méthode PDP peut en être complémentaire.

Notons qu’à part la méthode LIME, l’interprétation de données textuelles et d’images donnent lieu à des méthodes plus complexes, différentes et encore en recherche. Stay tuned!

 

Annexe

Le jeu de données est une légère modification de celui disponible sur l’archive UCI ML [6]. Le but est de prédire si des clients d’une banque vont effectuer un dépôt à terme après des contacts de marketing direct. Les créateurs de ces données indiquent que la variable duration est fortement explicative du dépôt.

Voici le code utilité pour le traitement des données et le modèle XGBoost :

# Import
import pandas as pd
data = pd.read_csv('bank-additional-full-atelier.csv')
# Pretraitement
y = data['y']
del data['y']
# One hot encoding
data_car = data.select_dtypes('object')
data_num = [x for x in data if x not in data_car]
data_num = data[data_num]
data_dummies = pd.get_dummies(data_car, drop_first = True
data = pd.concat([data_num, data_dummies], axis = 1)
# Modélisation XGBoost
import xgboost
xgb = xgboost.XGBClassifier(learning_rate = 0.03, n_estimators = 500, max_depth = 4, objective = 'binary:logistic')
xgb.fit(data.valyes, y)

Bibliographie

[1] Chen T., Guestrin C. (2016). https://arxiv.org/abs/1603.02754v1

[2] Olson R. S., La Cava W., Mustahsan Z., Varik A., and Jason H. Moore (2018). Data-driven advice for applying machine learning to bioinformatics problems, https://psb.stanford.edu/psb-online/proceedings/psb18/olson.pdf

[3] Goldstein A., Kapelner A., Bleich J., Pitkin E. (2013). Peeking Inside the Black Box: Visualizing Statistical Learning with Plots of Individual Conditional Expectation,  https://arxiv.org/abs/1309.6392

[4] Friedman J. H. (2001). Greedy function approximation: A gradient boosting machine, https://statweb.stanford.edu/~jhf/ftp/trebst.pdf

[5] Ribeiro M. T., Singh S., Guestrin C. (2016). Why should I trust you?: Explaining the predictions of any classifier, https://www.kdd.org/kdd2016/papers/files/rfp0573-ribeiroA.pdf

[6] Moro S., Cortez P., Rita P. (2014). A Data-Driven Approach to Predict the Success of Bank Telemarketing https://archive.ics.uci.edu/ml/datasets/bank+marketing

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