Marketing Mix Modeling (MMM), quelle méthode pour quel contexte ?
Dans notre dernier article, nous avons passé en revue les différentes approches de mesure de la performance marketing. Aujourd’hui, focus sur l’une d’entre elles : Le Marketing Mix ModelingQu’est-ce que le Marketing Mix Modeling ? Imaginez que vous êtes un grand chef cuisinier. Votre plat signature (disons, vos ventes ou vos nouveaux clients) est le résultat d'un mélange subtil d'ingrédients : une pincée de publicité TV, une bonne dose de campagnes SEA, un zeste d'emailing, et... More (MMM). Une méthode classique qui revient sur le devant de la scène et qui mérite qu’on s’y attarde.
Le Marketing Mix Modeling (MMM) est une méthode qui permet de mesurer l’impact des actions marketing sur les résultats d’une entreprise. Il devient aujourd’hui plus accessible grâce à des outils open-source et à la puissance de calcul offerte par le cloud. De plus en plus d’entreprises s’y intéressent pour mieux piloter leurs investissements marketing et améliorer leur retour sur investissement.
Afin de bien comprendre comment le MMM mesure l’impact des campagnes, il faut d’abord connaître deux notions clés : l’adstock et la saturation.
Les phénomènes d’adstock et de saturation
L’adstock représente la rétention de l’attention du consommateur au fil du temps. Le MMM intègre ce comportement en modélisant une diminution progressive de l’effet de l’investissement publicitaire dans le temps, ce qui permet de mieux estimer l’impact réel d’une campagne sur les résultats. Lorsqu’une campagne publicitaire est mise en place, les effets ne sont pas immédiats. Son impact se prolonge dans le temps après sa diffusion, l’effet est retardé. C’est ce phénomène que nous appelons l’adstock. Il est modélisé via un facteur de déperdition : plus ce facteur est élevé, plus l’impact de la campagne dure longtemps.
Le graphique suivant illustre ce phénomène. Il montre comment l’impact d’une campagne publicitaire décroît progressivement après sa diffusion, selon différents facteurs de déperdition. Avec le facteur égal à 0.8, l’effet dure plus longtemps, la décroissance est plus lente. Tandis qu’avec un facteur égal à 0.2, l’effet disparaît rapidement.

Le second phénomène à connaître est la saturation. Investir davantage en publicité ne génère pas toujours des résultats proportionnels. En effet, au-delà d’un certain seuil de dépense, l’efficacité marginale diminue. Ce phénomène de saturation se traduit souvent par une courbe en S ou une forme logarithmique, où les premiers euros dépensés sont souvent plus efficaces que les suivants.

Le graphique ci-dessus nous permet de visualiser ce phénomène de saturation. La courbe en S (sigmoïde) montre qu’au début, chaque euro dépensé a un fort impact, mais que l’efficacité ralentit puis se stabilise. La courbe logarithmique montre un ralentissement immédiat de l’impact à mesure que les dépenses augmentent. Ces formes traduisent visuellement que l’efficacité marginale diminue quand les budgets deviennent trop élevés. Le MMM prend en compte cette dynamique pour éviter de sur investir sur des canaux qui ont déjà atteint leur plein potentiel.
En résumé :

Avant de parler des différentes familles de modèles utilisées en Marketing Mix Modeling, abordons d’abord les données nécessaires, qui sont globalement du même type pour l’ensemble des modèles.
Les données
Pour utiliser les différentes méthodes, il est nécessaire de disposer de données historiques, de préférence sur une base hebdomadaire ou quotidienne. Ces données doivent inclure la variable à expliquer (comme les ventes ou les conversions), les dépenses marketing par canal (TV, digital, radio, etc.), ainsi que d’autres facteurs susceptibles d’influencer les résultats : saisonnalité (soldes, vacances), tendances, prix, promotions, ou encore contexte économique. La première étape consiste à bien préparer ces données : les nettoyer, combler les éventuels manques, et transformer certaines variables.

Passons maintenant à la présentation des différentes familles de modèles utilisées en Marketing Mix Modeling.
Les differentes familles de modèle
La régression linéaire
La première approche repose sur la régression linéaire classique, une méthode fréquentiste. Elle consiste à modéliser l’indicateur de performance (ventes, conversions, etc.) comme une combinaison linéaire des investissements marketing et d’autres variables explicatives. Pour mieux refléter la réalité, il faut généralement appliquer des transformations spécifiques aux variables médias afin d’intégrer les effets d’adstock et de saturation.
Une fois les données prêtes, il est possible de construire un modèle de régression linéaire en sélectionnant les variables pertinentes et en testant leur influence sur les résultats. La qualité du modèle doit ensuite être évaluée à l’aide d’indicateurs. Après validation, le modèle permet d’estimer l’impact des leviers marketing, de comparer différents scénarios et d’orienter les choix budgétaires de manière plus éclairée.
Cette méthode est simple, rapide à déployer et fournit des résultats facilement interprétables, ce qui en fait un bon point de départ pour des analyses exploratoires.
En revanche, cette approche suppose une relation linéaire entre les dépenses et les résultats, ce qui est souvent irréaliste. Elle est également sensible à la multicolinéarité, un problème fréquent dans les données marketing où les dépenses médias sont souvent corrélées entre elles. Enfin, le paramétrage des effets d’adstock et de saturation peut être complexe et nécessite de tester plusieurs configurations.
Les modèles bayésiens
La deuxième approche repose sur les modèles bayésiens. Elle fonctionne de manière similaire à la régression linéaire classique, mais avec une différence importante : les coefficients ne sont pas estimés comme des valeurs fixes, mais comme des distributions de probabilité. On y ajoute aussi des priors, c’est-à-dire des hypothèses de départ sur les résultats attendus.
Par exemple, sur le canal TV, les priors peuvent être définis ainsi :

Ce qui signifie, qu’avant d’analyser les données, on suppose que le retour sur investissement publicitaire de la TV est autour de 1.2, avec une incertitude représentée par un écart-type de 0.3.
Autre exemple, sur le canal search :

Les priors permettent de mieux gérer l’incertitude et rendent cette approche plus robuste lorsque les données sont peu nombreuses ou bruitées.
Contrairement aux approches classiques, les modèles bayésiens nécessitent de définir ces priors. Ces derniers peuvent être neutres (non-informatifs) ou s’appuyer sur une connaissance métier. Ensuite, le modèle peut être construit. Une fois estimé, il fournit des prédictions, mais aussi des intervalles de crédibilité pour chaque paramètre, ce qui permet de mieux interpréter l’incertitude autour des résultats.
Les modèles bayésiens gèrent bien l’incertitude. Ils fournissent des intervalles de crédibilité, utiles pour évaluer la fiabilité des résultats. Ils permettent aussi d’intégrer la connaissance métier grâce aux priors. Ces modèles sont également plus robustes face à des échantillons de données limités.
Malgré leurs avantages, les modèles bayésiens ont aussi quelques limites. Ils sont souvent plus difficiles à mettre en place que les modèles classiques. Il faut avoir une bonne maîtrise des principes bayésiens et savoir définir correctement les priors. Ces modèles sont aussi plus exigeants en calcul, ce qui peut rallonger les temps de traitement, surtout si on travaille avec beaucoup de données ou si l’on veut explorer plusieurs scénarios. Par exemple, en traitant plus d’un million de lignes, le temps de traitement peut s’étendre à plusieurs heures. Enfin, leurs résultats peuvent être plus compliqués à expliquer. Les notions de probabilités et d’intervalles de crédibilité sont parfois moins parlantes pour les équipes non techniques, ce qui peut rendre le modèle plus difficile à faire adopter.
Les MMM automatisés

La dernière approche concerne les MMM automatisés, basés sur des outils open-source comme Robyn (créé par Meta), LightweightMMM (développé par Google) ou encore Google Meridian. Ces outils utilisent des méthodes statistiques comme la régression bayésienne ou la régression Ridge. Ils intègrent automatiquement les principaux éléments du MMM, comme l’adstock et la saturation, ce qui facilite leur utilisation.
Une fois les réglages faits, notamment l’étape de préparation des données et la configuration des paramètres d’entrée, l’outil prend en charge la modélisation, la sélection des meilleurs modèles et la génération de rapports. Il reste important de valider les résultats, de les interpréter avec recul, et d’ajuster certains paramètres si besoin pour refléter la réalité métier.
L’un de leurs atouts majeurs est la sélection automatique des modèles et l’optimisation des paramètres, ce qui facilite grandement leur mise en œuvre, même pour des équipes ayant moins d’expertise technique. Ces outils proposent des méthodes modulaires et industrialisées, permettant de décomposer chaque étape du MMM (préparation des données, modélisation, validation, visualisation).
Malgré leur accessibilité, les MMM automatisés ont aussi quelques limites. Leur fonctionnement peut parfois sembler un peu opaque, ce qui rend les résultats parfois difficiles à interpréter pour des utilisateurs non techniques. Ils demandent aussi un minimum de paramétrage pour bien fonctionner, notamment sur les données et les réglages de départ. Enfin, ils sont parfois moins flexibles quand il s’agit de traiter des cas très spécifiques ou d’ajouter des contraintes propres au métier.
Le Marketing Mix Modeling est aujourd’hui un outil intéressant pour mieux piloter ses investissements marketing. Grâce aux outils open-source, au cloud et aux solutions automatisées, il est devenu plus accessible. Que l’on choisisse une méthode classique, bayésienne ou automatisée, l’important est de bien comprendre les concepts clés comme l’adstock, la saturation ou les choix de modélisation. Chaque approche a ses avantages et ses limites, et le bon choix dépendra surtout du niveau d’analyse, des outils disponibles et des besoins de l’entreprise. Le MMM ne donne pas des réponses toutes faites, mais il aide à prendre des décisions plus éclairées. Bien utilisé, il permet de mieux comprendre ce qui fonctionne, d’optimiser ses budgets et de prendre des décisions marketing fondées sur des données.
Dans le prochain article, nous irons plus loin en ouvrant le capot des MMM automatisés pour décrypter leur fonctionnement et comprendre comment les algorithmes produisent – ou biaisent – les recommandations.

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